La savane est en feu. Les animaux, sidérés et impuissants, fuient devant le brasier. Seul le colibri, oiseau minuscule, se dirige vers l’incendie à tire d’aile, puis repart, puis revient, larguant à chaque passage quelques gouttes d’eau sur les flammes…
Au bout d’un moment, le tatou, un peu agacé, finit par lui demander :
- Mais qu’est-ce que tu fais ? Ce n’est pas avec tes trois gouttes que tu vas éteindre le feu !
- Je sais, répond le Colibri, mais je fais ma part !
Nous connaissons tous cette légende amérindienne que Pierre Rabhi a largement popularisée, en faisant de « colibris » le nom de son mouvement. Exploitée sous tous les horizons, mise en musique par Zaz, la légende est devenue la référence de nombreux collectifs militants, jusqu’à CEVIDOREES elle-même qui a discrètement apposé la silhouette d’un colibri dans son flyer de présentation !
Mais, au fond, que signifie cette légende ?
Si le colibri veut réellement éteindre l’incendie, si son objectif, sa finalité est l’utilité ou l’efficacité de son action, alors il se trompe et il en est même presque contre-productif : son intention, si belle soit-elle, est en total décalage avec ses moyens et le brasier, qui n’a que faire de ces quelques gouttes d’eau, continuera de plus belle à dévaster la savane. Le colibri ferait mieux d’apprendre à piloter un Canadair !
C’est sans doute autre chose que cette légende veut nous faire comprendre, un message plus discret, et plus exigeant à la fois.
C’est l’idée que, quelles que soient nos compétences et nos faiblesses, notre richesse, nos qualités et nos défauts, nous pouvons prendre part, seul ou à plusieurs, à la vie de la cité, au fonctionnement de notre vie sociale, à la « création de valeur » qui fait que notre monde est ce qu’il est. Qui que nous soyons, le monde a besoin de nous.
En ce sens, le message du colibri n’est pas « utilitaire », il est « politique », au sens étymologique du terme, c’est-à-dire au sens de « ce qui concerne les citoyens ». À CEVIDOREES, nous utilisons plus volontiers, d’ailleurs, ce terme de société « citoyenne » pour signifier combien il est important, pour nous, de faire œuvre commune au profit du bien commun avant même de produire du Kilowatt/heure.
Certes, mais c’est pourtant cela notre objet social : CEVIDOREES va produire puis vendre de l’électricité. Une fois en fonctionnement, nos installations devraient produire, au maximum de leur capacité, environ 2000 KWh par jour. C’est bien. Mais au regard des 70 000 MW, (c’est-à-dire 70 millions de KW !... ), dont la France a besoin au cours d’une journée d’hiver normale , ce n’est pas la production de CEVIDOREES, à elle toute seule, qui va modifier sensiblement le mix énergétique français ! Restons donc modestes !...
Ce qui fait la valeur de CEVIDOREES, c’est donc moins sa « productivité » que son existence même, ce choix que nous faisons tous et tous ensemble de participer à la vie de la cité à travers cette petite société locale de production d’énergie renouvelable.
Nous espérons vous convaincre, en convaincre d’autres, et, par capillarité étendre largement l’impact d’une telle initiative, tout comme l’expérience d’autres avant nous a pu nous inciter à s’y lancer. CEVIDOREES, ça sert aussi à ça : à faire cette expérience collective de travailler et créer ensemble pour le bien de tous et puis à essaimer.
Bernard Lemaignan